Lire l’article
Depuis le mois de décembre dernier, la Maison de Protection des Familles est ouverte aux victimes de violences dans l’un des bâtiments de la gendarmerie de Montesoro à Bastia. Cette nouvelle structure est gérée par quatre gendarmes placés sous le commandement de l’adjudante chef Cendrine Delattre et elle a pour principales missions : la sensibilisation, la prévention, l’écoute et la protection.
Alors que le procès en appel du meurtrier de Julie Douib suscite, chaque jour, son nouveau lot de révélations et d’horreurs, le quotidien pour la brigade spécialisée de la Maison de Protection des Familles de la Haute-Corse est totalement concentré sur les « affaires en cours » à travers le suivi et la protection des victimes. Le constat est accablant, depuis les confinements et le Covid-19, les violences intrafamiliales n’ont eu de cesse d’augmenter. Face à ce fléau, la gendarmerie de la Haute- Corse a mise en œuvre cette structure dédiée à l’accompagnement et au soutien des victimes en complément de l’action judiciaire et policière. Ouverte depuis peu, elle comprend 4 gendarmes tous formés à la prise en compte des violences intra-familiales et formés aux auditions des mineurs, l’adjudante Chef Cendrine Delattre, la chef Aurore Swierczewski, la chef Sonia Khelef et le chef Quentin Angonnet.
La Maison de protection des familles se veut comme un lieu d’entraide, d’écoute et de partage. Pour la victime, l’entrée est discrète et se fait par la route d’Agliani en appelant préalablement le 17 afin de prendre rendez-vous. A l’intérieur, des bureaux pour écouter, entendre les souffrances mais aussi un espace d’accueil avec des jeux pour enfants qui viennent égayer les lieux. Sur l’une des parois, un magnifique tableau offert par l’artiste Gabriel Diana venant illustrer de la plus belle des manières ce qu’incarne la Maison de Protection des Familles, une bulle protectrice, une main chaleureuse et aimante. L’opposé, le parfait contraire du vécu des victimes ! Mais au-delà de la structure, l’équipe que dirige Cendrine Delattre se déplace sur l’intégralité du département de la Haute-Corse : « Le but est surtout de nous rendre sur place afin d’auditionner la victime là où elle veut, là où elle se sentira bien, que nous soyons en tenues de gendarme ou en tenue civile selon ses souhaits ! Les échanges peuvent se dérouler dans une voiture comme cela a déjà été fait, directement à son domicile, dans les locaux d’une association. C’est à la victime de décider. On est vraiment là pour un meilleur accompagnement de la victime. »
Installer de la confiance signifie, non pas oublier l’habit bleu, mais offrir davantage de souplesse, offrir une relation plus fraternelle avec la victime : « Elle n’est pas obligée de porter plainte. Nous sommes là pour recueillir sa parole. Qu’elle porte plainte ou pas ne changera rien puisque notre rôle est de recueillir la parole, d’en rendre compte au magistrat du parquet et c’est le magistrat du parquet qui décidera de la suite à donner à la procédure. » Un moyen de sécuriser la victime mais aussi « de la soulager d’un poids car ce n’est pas la victime qui décide de mettre en garde à vue ».
Ainsi au niveau étymologique, les mots ont un véritable sens : « Il faudrait enlever ce vocabulaire d’aller porter plainte dans le cadre de violences conjugales en le remplaçant par la récolte de témoignages et d’auditions. »
Les Maisons de Protection des Familles ont commencé à être mises en œuvre sur l’ensemble des départements depuis deux ans après les travaux du Grenelle des violences conjugales : « Toutes les Maisons ont une intervenante sociale gendarmerie. On ne peut plus travailler sans elle car l’on va suivre toutes les victimes, nous allons garder un contact avec elles pour voir si elles ont bien compris ce qu’elles avaient vécues, pour voir si elles avaient bien compris la procédure, si elles sont bien en lien avec la CORSAVEM, si elles sont retournées vivre avec l’auteur car dans le cadre des violences conjugales, le processus est souvent très compliqué et souvent elles retournent vivre avec en raison de l’emprise ou tout simplement parce qu’elles n’ont pas le choix. Nous ne sommes surtout pas là pour les juger. »
Violences familiales : un processus qui s’installe avec le temps !
Formée spécifiquement à la prise en charge des victimes de violences familiales, la brigade de la Haute-Corse doit s’adapter en fonction de chaque situation même si le processus est souvent similaire : « C’est un processus vicieux, qui s’installe petit à petit. Dans nos actions de prévention, on parlera toujours de victimes et d’auteurs. Si je distribue un violentomètre à une victime, j’en distribue automatiquement un à l’auteur. Si je fais de la prévention avec les lycéens, j’ai dix victimes et j’ai dix auteurs dans la salle. Les deux ont besoin d’aide. Le centre de prise en charge des auteurs vient d’ailleurs d’ouvrir ses portes à Corte. C’est important car si l’on veut enrayer le phénomène, il faut que les victimes se fassent soigner pendant plusieurs années pour comprendre comment elles sont tombées dans ce processus. Souvent, elles ont eu une faiblesse, cela peut être un deuil, une rupture, de la violence subie quand elles étaient jeunes, les victimes viennent de tout milieu. Pour les auteurs, c’est pareil, on n’est pas violent sans raison. Enfin, il faut faire preuve de prévention : les 18/25 ans sont les plus touchés par les violences intrafamiliales et pourtant on ne les voit pas. Cela commence d’abord par des violences morales et psychologiques. »