L’urbanisme et les conséquences de la loi ZAN
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ZAN : trois lettres qui suscitent la colère !
La Loi « Zéro Artificialisation Net » est sur le principe des plus vertueuses. Son objectif d’atteindre à horizon 2050 le 0% de consommation des espaces naturels afin de préserver la biodiversité parait correspondre aux attentes d’un plus grand nombre. Sauf que sur le terrain, sa définition technocratique est contraire à l’égalité et aux attentes des élus notamment ceux du monde rural.
Le traditionnel grand débat de l’association des maires de la Haute-Corse s’est déroulé dans la dernière partie de l’assemblée générale. Aux côtés d’Ange-Pierre Vivoni, le préfet de la Haute-Corse, le président du Conseil Exécutif et le président de l’AUEC, Julien Paolini ont répondu aux questions portant sur les effets de la loi ZAN et sur la révision du PADDUC qui débutera cette année pour se clôturer en 2024. Ainsi la loi Zéro artificialisation nette a tendance à déplaire fortement à une majorité d’édiles qui considèrent comme désastreux le mode de calcul consistant à autoriser la consommation de foncier de la même manière dans tout le territoire. La loi fixe un objectif de réduction par deux de la consommation foncière d’espaces naturels, agricoles et forestières d’ici 2031 et zéro artificialisation nette en 2050. Seulement, l’application de ce taux de 50 % se fera par rapport avec la précédente décennie (2011-2021). Cette application accentuerait le déséquilibre entre les grandes agglomérations qui se sont fortement développées durant cette période avec les territoires ruraux n’ayant pas consommé de foncier.
En premier lieu, le préfet de la Haute-Corse a rappelé des critères essentiels quant aux atouts de cette loi : « Plus on mite le territoire, plus il faut apporter des investissements, des infrastructures, de l’assainissement, des routes… Il faut que l’on soit serein et raisonnable en la matière. Notre objectif commun est d’essayer de faire en sorte d’avoir des logements pour nos enfants. On sait, selon les études de l’INSEE que l’on va continuer à avoir une croissance démographique mais il ne faudra pas aménager le territoire dans n’importe quelles conditions. Il faut penser de manière raisonnable les projets de demain. Regardons déjà à combler toutes les dents creuses, à développer les bourgs qui existent déjà et pas systématiquement à regarder la première ou la seconde périphérie car l’on sait que cela a un impact ensuite en matière de compétences et de dépenses publiques pour les collectivités locales. Mais il ne faut pas vivre ces questions d’urbanisme uniquement comme une restriction. Le Gouvernement a décidé une évaluation de la loi ZAN et des parlementaires ont été désignés cette semaine pour bien appréhender et moduler le Zéro Artificialisation Net d’ici à 2050. »
La parole est revenue à l’assistance avec en premier lieu, Francis Marcantei, le maire de Talasani : « Regardons tout d’abord l’état de notre île à travers la construction métastasique sur nos territoires. C’est le premier point à aborder. Le second point est celui de l’évolution démographique dans une île où 92% de la population résidera à l’altitude 0 tandis que les 8% restants résideront dans un énorme espace vide. Cet espace vide qui va devenir un énorme problème car comme le rappelait Braudel, « la Méditerranée est la seule région au monde où l’homme a autant besoin de la nature que la nature a besoin de l’homme lui-même. »
Le maire de Bastia, Pierre Savelli promeut l’idée d’une véritable collecte des données de l’artificialisation sur la dernière décennie afin de mutualiser et de mieux répartir les potentialités de construction en adéquation avec la loi ZAN. Pour Gilles Simeoni : « Le sas pour arriver à cette zéro artificialisation donne une prime à des communes qui ont souvent construits et quelques fois dans des proportions à mon sens critiquable. En raison des lois Montagne ou Littoral, des petites communes, elles, n’ont pas pu construire pendant ces années. Il faut gérer à présent notre capital de constructibilité par péréquation. »
Une révision très importante du PADDUC
Dans la foulée, le Président de l’AAUEC, Julien Paolini a définit la méthode de révision du PADDUC qui occupera le travail de l’Agence durant une bonne année : « La révision prévoit d’abord une analyse sur l’ensemble des orientations stratégiques du PADDUC. Le PADDUC, ce n’est pas que l’urbanisme, c’est aussi la langue, la culture, le patrimoine, l’économie, etc. Cette partie est d’ores et déjà réalisée. En parallèle, nous avons souhaité bénéficier d’analyses externes en associant les maires de la chambre des territoires. Un questionnaire sera envoyé ensuite à tous les élus. On en fera la synthèse qui sera présentée au Conseil d’Aménagement et d’Urbanisme de la Corse à la fin du premier semestre 2023 et de manière concomitante, nous lancerons la révision du PADDUC sur trois aspects : rétablir la cartographie des ESA, mettre en compatibilité le PADDUC avec la loi ELAN, les lois Littoral et Montagne. Enfin, le troisième et dernier aspect à intégrer sera le ZAN. On se donnera au maximum un an pour terminer la révision de ce premier volet du PADDUC. Cela nous permettra ensuite de travailler sur d’autres problématiques qui n’avaient pas été intégrées en 2015 lors de son adoption, la problématique incendie, sécheresse, inondations, la problématique de l’eau…»
La maire de Taglio-Isolaccio, Marie-Thérèse Mariotti a souhaité des éléments sur la temporalité entre la révision du PADDUC et la mise en œuvre des PLU : « Faut-il attendre la répartition opérée par le PADDUC sur l’ensemble de la région ou finalement faut-il poursuivre la mise en œuvre de nos documents d’urbanisme ? Et dans ce cas, à quelle sauce serons-nous mangés sur le plan du Zéro Artificialisation Net ? Attention, à ne pas nous envoyer de messages subliminaux pour nous dire d’arrêter nos PLU ! »
En réponse, Michel Prosic a indiqué : « Il faut continuer les démarches car il sera toujours temps demain de faire des modifications. Une modification du PLU est beaucoup plus simple que d’arrêter un PLU pour en faire un nouveau. Sur les communes en NRU, c’est l’Etat qui signe les permis de construire. On aura le même degré de fermeté pour les communes en RNU que pour celles en PLU. Il n’y aura ni avantages ni désavantages. J’encourage communes en RNU à engager leurs documents d’urbanisme car un représentant de l’Etat n’est pas élu. »
Pour Julien Paolini : « Certains maires font le choix de rester en RNU car cela représente au moins deux avantages essentiels : le premier est de ne pas s’engager dans la difficulté de la réalisation d’un document d’urbanisme car c’est long et c’est conflictuel avec les habitants de la commune. Sur un simple trait, le terrain passe de quelques centimes d’euros à plusieurs centaines. Beaucoup de maires ne souhaitent pas s’y aventurer. Le second avantage est que pendant un certain nombre d’années, il y a eu une tolérance et les lois Montagne et Littoral n’ont pas été appliquées de manière stricte sur les communes en RNU. Les contraintes devront être plus marquées.»